jeudi 6 octobre 2011

Le premier indépendantiste de Polynésie

Teraupoo de Raiatea

Cinquante ans avant Pouvanaa a Oopa, Teraupoo, né Hapaitahaa a Etau, ouvrait la voie de la lutte contre la France pour l'indépendance de la Polynésie.

Le chef Teraupoo, né Hapaitahaa a Etau
     Si Pouvanaa a Oopa est aujourd’hui devenu le symbole du combat pour l’indépendance de la Polynésie française, Le premier polynésien à avoir payé de sa personne pour cet idéal fut bien Teraupoo, un demi siècle plus tôt.
     Le théâtre de son combat fut son île de Raiatea et sa petite voisine Taha’a.

Teraupoo, né Hapaitahaa a Etau

     Hapaitahaa a Etau, dit Teraupoo, est né vers 1855 à Avera, sur la côte Est de Raiatea dans un milieu des plus modeste. En réalité, son véritable surnom aurait été initialement Taraiupoo, ce qui signifie «le coupeur de tête». L’histoire aurait donc préféré ne conserver que Teraupoo, «cette tête».

Teraupoo en famille à Raiatea
     Deux événements importants marquèrent profondément la jeunesse de Teraupoo : la mort de son père fa’a’amu et sa conversion au protestantisme.
     Cette conversion va l’engager dans une opposition farouche et jamais remise en cause contre la France.
     Cette lutte sans merci l’amène logiquement à la lutte armée. Emprisonné par la France, il est jugé, condamné et envoyé en exil en Nouvelle-Calédonie en Mars 1897 avec neuf de ses frères d’armes par le gouverneur Gallet. Dans le même temps, cent seize autres résistants furent exilés à Ua Huka, aux îles Marquises, avec femmes et enfants.
     Autorisé à rentrer chez lui en 1905, il décède à Vaiaau le 23 décembre 1918, au plus fort de l’épidémie de grippe espagnole. Sa tombe serait aujourd’hui scellée sous le bitume de la route de ceinture.

Teraupoo et l’Angleterre

     Vers sa quinzième année, Teraupoo est malmené par un capitaine de frégate français. Il fait alors serment de se venger des Français.
     Il se tourne alors vers les pasteurs de la London Missionary Society dans l’espoir d’obtenir un soutien actif de l’Angleterre qu’il n’obtiendra jamais. En effet, si les Britanniques ont toujours moralement soutenus tous ceux qui refusaient la présence française, ils ne fournirent jamais aucune aide autre que morale à aucun d’entre eux. A Teraupoo moins qu’à aucun autre : les Anglais, récemment installés aux Nouvelles-Hébrides, avaient d’autres préoccupations.

Raiatea au temps de Teraupoo
     Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. Sa dernière tentative eut lieu en janvier 1896, une fois encore avec la reine de Raiatea. Ce jour-là, ils rencontrent Robert Simons, le consul d’Angleterre. Teraupoo est accompagné d’une cinquantaine d’hommes armés.
     A la demande d’aide formulée par Teraupoo, la réponse de Simons est sans détour : les Îles-Sous-le-Vent n’ont rien à attendre de l’Angleterre. Son pays a reconnu la domination française. Un tel soutien constituerait une insulte à l’égard de la France. Teraupoo réplique alors qu’il est déterminé à maintenir hissé à tout prix le drapeau anglais et que si le consul voulait tenter de l’amener, il emploierait la force pour l’en empêcher…

1887 : la révolte de Teraupoo

     Au cours du dernier trimestre 1887, la situation se dégrade à Raiatea. Teraupoo s’oppose catégoriquement à la demande de protectorat signée par Tamatoa VI (roi de Raiatea), le vice-roi de Taha’a et l’ensemble des chefs de Raiatea et Taha’a.
     Dès lors, Teraupoo entre officiellement en rébellion, il tente de même de s’emparer de Tamatoa VI pour le déposséder !
     Sur une population estimée, à l’époque, à 1500 âmes, le chef Teraupoo aurait réussi à former une armée d’environ huit cents hommes…
     Dans un rapport officiel de l’époque, on peut même lire : «Les rebelles sont environ un millier, bien armés, bien commandés. Rien ne leur manque, ils possèdent 9/10ème des terres, vendent leurs récoltes, trafiquent à leur gré. Le gouvernement révolté de Avera et son chef Teraupoo sont maîtres de tout le pays.»

1888 : la guerre de Raiatea

     Le 16 mars 1888, le gouverneur Lacascade proclame l’annexion des Îles-Sous-le-Vent par la France. Teraupoo, lui, déclare la guerre à la France.
     S’ouvre une période pendant laquelle il fait la loi à Raiatea. Six districts de l’île et trois de Taha’a lui sont acquis et arborent le pavillon “rebelle” au côté du drapeau britannique. Il va jusqu’à taxer les produits et les bateaux qui circulent dans les zones qu’il contrôle.
     Teraupoo tiendra ainsi la dragée haute aux autorités et à l’armée française jusqu’en 1896.
Cette situation va se prolonger jusqu’au 27 décembre 1896. Ce jour là, le gouverneur Gallet lui donne quatre jours pour déposer les armes et se soumettre complètement.

Le Duguay-Trouin qui participa à la bataille
     Le premier janvier 1897, un corps expéditionnaire français composé de 1050 hommes et trois navires de guerre attaque les zones côtières de Raiatea et de Taha’a. Le 3 janvier, la bataille de Tevaitoa fait 17 morts et cinq blessés dans les rangs des résistants.
     Teraupoo est fait prisonnier le 15 février 1897 avec son épouse dans une grotte de la vallée de Vaiaau.
     La guerre de Raiatea est terminée, elle a fait 40 morts.

La naissance d’une légende

     En Mars 1897 Teraupoo et neuf autres résistants, dont la cheffesse Mai vahine de Tevaitoa et son mari, sont jugés à Papeete et condamnés à la déportation en Nouvelle-Calédonie.
     Il faudra attendre cinquante ans pour qu’un autre natif de Raiatea reparte en lutte contre la puissance coloniale française : il s’appelait Pouvanaa a Oopa. Mais c’est là une autre histoire…
     Si Teraupoo a été complètement oublié par l’histoire officielle polynésienne, il n’en reste pas moins la référence pour les militants de la cause indépendantiste qui en firent un symbole dans les années 80 et 90.

Lexique :
fa’a’amu : adoption coutumière toujours en usage en Polynésie française.

Sources :
Mémorial polynésien T.4 - Archives de la Marine, Fort de Vincennes - Archives Territoriales, Papeete - La Dépêche de Tahiti -

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