vendredi 30 septembre 2011

L'archipel des Tuamotu

Le symbole des îles de rêves


     Sur les 118 îles de Polynésie française, 78 sont les atolls qui composent l'ensemble de l'archipel des Tuamotu-Gambier.
     Un atoll est la forme géologique la plus ancienne des îles volcaniques. Il résulte à la fois de la formation d’une barrière de corail ceinturant un volcan éteint et des phénomènes conjugués de l’érosion du cône volcanique et de son effondrement sur lui-même. Ne reste plus alors qu’un anneau corallien enserrant un lagon. Ce dernier sera ouvert ou fermé selon que des passes existent ou non.
     D’autre part, il existe des hoa (simples passages d’eau traversant les motu) qui permettent les mouvements d’eau lors des marées.
     Sur les 78 îles des Tuamotu-Gambier, 76 sont des atolls. Font exception à cette règle l’archipel fermé des Gambier et l’île de Makatea.

L’archipel des Tuamotu : un chapelet de perles…
     Par le nombre de ses îles, comme par la surface maritime occupée, l’archipel des Tuamotu est donc de très loin le plus important de Polynésie française.

La réalité cartographique de l'archipel des Tuamotu

     Comme une immense barrière entre les îles de la Société et l’archipel des Marquises, les Tuamotu s’étirent sur plus de 1 800 km de long et 600 de large, du nord-est au sud-est. Elles couvrent une superficie de 800 000 km².
     Lors du recensement de 2007, on comptait 18 317 habitants sur l’ensemble des Tuamotu-Gambier dont 3 384 sur le seul atoll de Rangiroa.
     Du plus grand de ces atolls, Rangiroa, dont le lagon (le deuxième plus grand du monde) pourrait contenir l’île de Tahiti tout entière, aux plus petits qui sont inhabités autant qu’inaccessibles, une évidente constance : le sentiment d’être entré dans une carte postale…

Aux Tuamotu, la réalité dépasse souvent la fiction et le rêve...

     Des lagons aux couleurs inoubliables bordés de plages blanches et protégées du soleil par les incontournables cocotiers, des fonds marins d’une incroyable richesse animale et végétale, des espèces d’oiseaux dont beaucoup sont endémiques…
     Et surtout, un peuple merveilleux dont seule la gentillesse égale la simplicité.

L’histoire et les Tuamotu
     L'origine du peuplement des Tuamotu est, semble-t-il, due à des immigrants venus assez récemment des îles Marquises, sans doute au XVIe siècle et alors qu'elles auraient été rendues habitables par l'introduction du cocotier.
     Jusqu'en 1854, l’archipel porte le nom de Pomutu, qui signifie « îles soumises ». À cette époque, le gouvernement français le change en Toamotu (îles lointaines) qui devient Tuamotu.
     Aujourd’hui connu des marins sous le nom d’archipel des « îles Basses », il s’est aussi longtemps appelé « l'archipel Dangereux » ou celui de « la Mer Mauvaise »…
     C’est le 24 janvier 1521 que Fernand de Magellan découvre Puka Puka. Il s’agit du premier atoll de l’océan Pacifique à être découvert par les Européens.
     Quelques années plus tard, suivant la route qui le conduira à Tahiti, Louis Antoine de Bougainville s’aventure avec succès, mais pas sans frayeurs, dans ce fantastique labyrinthe d’îles.
     Il faut pourtant attendre près de trois cents ans, le 6 septembre 1839 pour être précis, avant que ne soit découvert et porté sur les cartes le dernier des atolls paumotu*. Il s’agit de l’atoll de Ahe découvert par l’explorateur et officier de marine américain Charles Wilkes.
     C’est en 1844 que l’archipel des Tuamotu passent sous protectorat français. L’annexion au territoire de la République française est officielle en 1880.

Une magnifique cocoteraie sur l'atoll de Rangiroa

     L’isolement des atolls, leur grande pauvreté et surtout la dangerosité de leurs eaux et des passes permettant de se mettre à l’abri dans leurs lagons, les ont protégés des grands remous de l’histoire humaine.

L’économie des atolls du paradis
     La vie est dure sur les atolls paradisiaques des Tuamotu : l’eau douce y est très rare, et il faut recueillir la pluie pour avoir de quoi boire.
     Les Paumotu ont longtemps vécu exclusivement de la pêche et de toutes les richesses du cocotier. Jusqu’à ce que l’industrie française s’intéresse à la nacre des huîtres des Tuamotu qui fut longtemps la matière première de la fabrication des boutons.

Le très dur travail du coprah

     Il faut attendre les années 1970 pour que ces mêmes huîtres soient élevées pour leurs perles aux couleurs uniques. La perliculture devient alors la principale ressource économique de l’archipel.
     Le tourisme, quant à lui, ne se développe que depuis une vingtaine d’année, fortement handicapé par la rareté des moyens de communications réguliers. Pourtant, la beauté et la richesse des sites de plongée en font une destination particulièrement prisée des amateurs, et l’on trouve de plus en plus de clubs de plongée très bien équipés dans un certain nombre d’atolls, comme Rangiroa ou Tikehau.

Côté océan depuis une plage de l'atoll de Tikehau

     Un voyage aux Tuamotu se mérite, mais il laisse toujours des souvenirs impérissables. Un séjour au Tuamotu est, pour beaucoup, le voyage d’une vie…

*Paumotu, adj. : tout ce qui est relatif aux îles Tuamotu.

jeudi 29 septembre 2011

Boris Vian


Le chevalier de neige


     Tout le monde connait les amours adultères du preux chevalier Lancelot du Lac et de la reine Guenièvre. Mais qui a lu le livret d’opéra qu’en tira Boris Vian ? Et qui sait que le spectacle fut créé à Caen en 1953 sur une musique de Georges Delerue et dans une mise en scène de Joe Théhard ?


     Le texte avait été commandé à Vian, en 1952, par les organisateurs du festival dramatique de Normandie. Il en fut donné sept représentations qui réunirent 10 000 spectateurs !

     Il faut dire qu'une fois encore, l'écrivain aux multiples talents avait bousculé les habitudes en créant, avec ce texte, une forme nouvelle d'un théâtre moderne, construit sur un rythme dynamique très proche de celui du cinéma.

Une invention de Boris Vian, le 'pataphysicien

     En 1957, c'est la ville de Nancy qui donna à Boris Vian l'occasion de transformer ce spectacle musical en un véritable opéra. Là encore, ce fut un énorme succès.

     L'opéra est une découverte pour l'auteur, un univers dont il perçoit très vite les immenses possibilités. Au point qu'il écrivit cinq autres livrets qui tous ont été publiés.

     Nous sommes loin ici de « J’irai cracher sur vos tombe » et du scandale qui s’en suivit. Pourtant, le génie provocateur de Vian nous offre une version aussi belle que surprenante de la célébrissime légende celtique et de la quête du Graal.

     Il s’agit de la seule œuvre de ce génial auteur qui connût un succès critique et populaire immédiat. Pourtant, aujourd’hui elle est ignorée du plus grand nombre.

     Initialement publié par Christian Bourgois, cette réédition du Chevalier de Neige en collection de poche nous propose également les deux versions qu’en fit Boris Vian : l’opéra bien sûr, mais aussi la pièce de théâtre ainsi qu’un grand nombre de notes et de réflexions de l’auteur.



mercredi 28 septembre 2011

Dazibao


La musique autrement

L'image s'anime en cliquant dessus... Vive le progrès !

J'aime les musiques métissées, originales, inclassables, indémodables, in… Et si vous êtes comme moi, alors vous allez adorer la réédition des quatre 30 cm (sous la forme d’un magnifique coffret) de ce groupe mythique des années 70 : Dazibao.


Un rock gothique post punk écorché portant du chant en arabe (le chanteur, Jamil étant à moitié Marocain) qui reste, aujourd’hui encore, l’une des formations les plus riches et les plus intéressantes de son époque (le groupe fut créé en 1983).

Pour écouter, cliquez donc ici même...

Si, comme moi, vous les avez adorés à l’époque, ou si vous venez seulement de les découvrir, vous serez aux anges de pouvoir vous offrir cette réédition. Et si vous ne les connaissez pas (parce que trop jeune), et bien voilà l’occasion de combler un grand vide dans votre culture musicale !
Je vous invite à lire une longue et passionnante interview de Jamil, le chanteur du groupe, en suivant ce lien : http://www.abusdangereux.net/site/2011/02/dazibao/#more-1309
 

Mais il faut surtout aller visiter le site du groupe, car si ce dernier est hélas dissout depuis longtemps, le site est, lui, toujours actif et très fréquenté. Il faut dire que c'est une vraie mine d'informations. Et la discographie complète de Dazibao y est disponible, avec accès à plein de clips et d'enregistrements : http://www.myspace.com/dazibaomusic#!/dazibaomusic
Il y a un nombre incalculable de pages, sur le Net, qui parle de ce groupe, parmi elles, vous trouverez un excellent papier consacré à Dazibao par le Forum Gothique : http://www.forum-gothique.com/dazibao-cold-wave-t6976.html
Avant de partir, n'oubliez surtout pas, comme le proclamait une publicité (avec Gaisnbarre) des années 80 : "Ça commence par les oreilles…"






lundi 26 septembre 2011

Archipel des Marquises


Les îles de tant de rêves occidentaux

 

Par delà Gauguin et Brel, les îles Marquises forment l'archipel le plus surprenant, et peut-être le plus attachant, de toute la Polynésie française.

Une carte méconnue, mais aux noms tellement évocateurs...
L’archipel des Marquises est le plus jeune, géologiquement parlant, de la Polynésie française.
Les premiers hommes à en fouler le sol furent des marins polynésiens, sans doute en provenance des îles Samoa. Cela se passait trois siècles avant notre ère.
Ils eurent 1 900 ans pour développer une société et une culture très particulière puisque le premier Européen à aborder les côtes marquisiennes, l’Espagnol Álvaro de Mendaña de Neira, ne le fit qu’en 1595. 
Aujourd’hui encore, le peuple marquisien se démarque très fortement des autres habitants de Polynésie par un attachement viscéral à une culture et un mode de vie très spécifiques.

Géographie de l’archipel des Marquises 

 

A 1 600 km au nord-est de Tahiti, l’archipel des Marquises s’étend de 600 à 1 000 km au sud de l’Equateur. Ce sont les îles les plus au nord de Polynésie française.L’archipel est composé de deux groupes d’îles très distincts : les Marquises du Nord, dont l’île principale est Nuku Hiva, et les Marquises du Sud, dont la plus importante est Hiva Oa. 

Les îles du nord sont au nombre de six, séparées en deux groupes. Les trois principales, Nuku Hiva, Ua Pou et Ua Huka étant les plus grandes, et Eiao, Hatutaa et Motu One, plus petites et plus au nord.

Les cinq îles du sud, plus petites, se nomment Hiva Oa, Tahuata, Moho Tani (ou Molopu), Fatu Hiva et le rocher Motu Nao.
L’ensemble représente 997 km² de terres émergées.

Taiohae, plus grosse agglomération des Marquises, sur l'île de Nuku Hiva
Ici, pas de lagon mais des montagnes abruptes aux sommets acérés qui dépassent parfois les 1 100 mètres d'altitude. De profondes et étroites vallées où se sont installées la plupart des villages et quelques plages.
A l’intérieur des terres, il existe (comme à Nuku Hiva) des plateaux où s’est réfugié l’essentiel de l’agriculture et de l’élevage marquisiens.
Ce relief particulièrement accidenté propose régulièrement des paysages époustouflants. Ainsi en va-t-il, par exemple, de la cascade Vaipo à Nuku Hiva, deuxième chute d’eau la plus haute du monde avec ses 350 m !
La plupart des lieux doivent leur nom à la majesté de ces paysages : Hiva Oa, la Grande Crête ; Nuku Hiva, la Crête des falaises ; Fatu Hiva, les Neuf Roches ou la Neuvième Ile ; Fatu Huku, Morceau de pierre ; Ua Pou, les Deux Piliers, sans oublier la surprenante Baie des verges que les missionnaires rebaptisèrent Baie des Vierges…

A Nuku Hiva, l'impressionnante cascade de Vaipo
Les Marquises et l’histoire

Après l’Espagnol Álvaro de Mendaña de Neira qui découvrit les îles du Sud en 1595, le peuple marquisien fut de nouveau oublié du monde pendant deux siècles. Jusqu’à l’arrivée de James Cook qui y fit alors un séjour de plus d’un mois.
C’est en 1791 seulement que l’Américain Joseph Ingraham découvre les îles du Nord. Mais deux mois plus tard à peine, le Français Etienne Marchand prend possession de l’archipel au nom de la France et le baptise « Les îles de la Révolution »…
En 1842, Aubert Du Petit-Thouars intègre la totalité de l’archipel aux Etablissements français de l’Océanie. L’annexion est cette fois totale et définitive.
Les îles Marquises sont incorporées au territoire d'outre-mer de la Polynésie française en 1958, après la victoire du « oui » au référendum.

Le drame des îles Marquises 

 

Lors de son séjour en 1774, James Cook estime la population marquisienne à environ 100 000 âmes. En 1926, on n’en recensait plus que 2094 ! 

Les maladies importées comme la syphilis et la tuberculose sont les principaux responsables de cette dépopulation qui a failli provoquer la disparition du peuple marquisien. Lors du recensement de 2007, ils étaient 8 658.

A ce chiffre, il faut ajouter une importante diaspora basée essentiellement sur Tahiti qui représente sans doute plus de monde que les Marquisiens vivant toujours sur leurs îles.
Le grand isolement de l’archipel est sans doute son plus grand drame et sa plus grande chance. Les Marquisiens ne doivent sans doute leur survie qu’à l’intelligence et au dévouement de quelques religieuses, mais c’est là une autre histoire…

Les îles Marquises aujourd’hui 

 

Si l’on peut aujourd’hui aller aux Marquises en avion (plusieurs vols quotidiens sur Nuku Hiva et Hiva Oa), elles restent des îles particulièrement préservées du modernisme galopant qui a tant dénaturé des îles comme Tahiti et Moorea. Le meilleur moyen de découvrir l’archipel reste quand même la goélette (cargo mixte) Aranui qui propose un merveilleux cabotage d’île en île.

 

A Ua Huka, l'idyllique baie de Hane

Particulièrement bien conservée, la culture marquisienne ne peut que surprendre le visiteur par sa richesse, sa beauté et sa diversité. Il suffit, pour s’en convaincre, de s’intéresser au tatouage marquisien considéré aujourd’hui comme une référence mondiale en la matière.

Par delà les mythes de Brel et Gauguin, les Marquisiens forment un peuple fier et accueillant et sont bien la première richesse de l’archipel des Marquises.

dimanche 25 septembre 2011

Symbole de la beauté du monde


Merveilleuses baleines à bosse

de Polynésie française


Chaque année, de juin à novembre, les baleines à bosse viennent séjourner depuis toujours dans les eaux polynésiennes, devenues un sanctuaire.
Il fait beau sur Tahiti ce matin. Un vent d’Est vif et frais soulève une houle courte mais violente sur le Pacifique. Cependant pas de quoi nous empêcher d’embarquer avec Michel Fayadat pour quelques heures de pur bonheur à la rencontre des baleines à bosse
La rencontre avec les cétacés est un moment unique d’intense émotion que rien ne saurait vraiment décrire.
Aujourd’hui, nous avons le bonheur de contempler les ébats d’une mère et de son petit, accompagnés (chose très rare) d’un mâle en quête d’une compagne. Un peu plus tard, nous croisons la route d’une autre baleine accompagnée de son rejeton…

Un instant d'une émotion intense et unique entre Tahiti et Moorea

Les baleines à bosse en Polynésie

Chaque année, depuis des temps immémoriaux, les baleines à bosse viennent se réfugier dans les eaux polynésiennes afin d’y mettre leur petit au monde, loin de la nuit glaciale des eaux antarctiques.
Ainsi, de juin à novembre, il est possible de contempler ces fabuleux mammifères tout près des barrières de corail. Si l’archipel des Marquises est le seul à être délaissé par les baleines, il est possible de les rencontrer dans les quatre autres. Toutefois, curieusement, la zone la plus fréquentée par les cétacés est celle qui entoure les îles sœurs de Tahiti et Moorea, soit celle qui est la plus habitée et où circulent le plus d’embarcations de toutes sortes.
La baleine à bosse est un animal qui ne change pas facilement ses habitudes. Ainsi, chaque année, elle revient dans ces mêmes eaux où elle est née pour y mettre au monde son petit et lui permettre de grandir et grossir avant de retourner se nourrir à proximité de l’Antarctique. Et lui-même reviendra inlassablement au même endroit, chaque année, durant toute sa longue vie de baleine.

Une baleine et son baleineau entre Tahiti et Moorea
On estime actuellement à un millier le nombre de baleines ayant élu la Polynésie française comme lieu de villégiature.

Les raisons de la migration des baleines à bosse

Si la baleine à bosse vit essentiellement dans les eaux glaciales de l’océan Austral, c’est qu’elle y trouve sa nourriture : le krill.
Le krill (euphasia superba) est une petite crevette des eaux froides qui constitue l’essentiel de l’alimentation de nos baleines. Pour la petite histoire, il faut savoir que pour grossir d’un kilo, notre cétacé doit avaler cent kilos de sa crevette préférée !
Lorsque la zone antarctique entre dans sa longue période d’obscurité, la densité de krill diminue considérablement et la baleine n’y trouve plus de quoi satisfaire son appétit.

Le minuscule krill, aliment de base des baleines à bosse
Dès lors, elle rejoint les eaux plus chaudes du Pacifique Sud où sa dépense énergétique est beaucoup moins importante.
Elle profite du voyage pour donner naissance au petit qu’elle porte durant une longue gestation de onze mois et demi et, lorsqu’il est temps pour elle de le faire, d’en concevoir un autre…
Durant les quatre ou cinq mois que dure son séjour dans les eaux chaudes, la baleine à bosse ne se nourrit pratiquement plus.

Protéger les baleines : un immense défi

Ce n’est que le 13 mai 2002 que l’assemblée de Polynésie a voté un texte faisant des eaux polynésiennes un sanctuaire pour les baleines à bosse et autres mammifères marins.
Ce point essentiel du « Code de l’environnement en Polynésie française » (art. A 121-3), s’il faut d’évidence le saluer, s’avère, hélas, bien difficile à faire respecter.
Territoire français comprenant cent dix huit îles, la Polynésie française représente la plus vaste zone maritime exclusive de la région. Si la surveillance du territoire fait partie des compétences régaliennes de l’état français, il s’agit là d’une tâche impossible à remplir par manque de volonté politique, et donc des moyens nécessaires pour la mener à bien.
Cette situation est connue de tous et nombre d’animaux marins protégés, des requins aux baleines, continuent de remplir les cales de navires (chinois et japonais pour l’essentiel) venant, en toute illégalité, pêcher des espèces protégées dans les eaux polynésiennes. Les autorités locales n’ayant absolument pas les moyens de faire respecter la loi.
Outre les problèmes de pollution tout aussi préoccupants en Polynésie qu’ailleurs, et peut-être même plus compte tenu de la fragilité des écosystèmes insulaires, l’autre grande menace qui pèse sur les baleines à bosse est l’intérêt qu’elles suscitent, tant auprès des populations locales que des touristes. Ces derniers payant parfois très cher le droit d’approcher de près les cétacés.
Les activités d’approche des baleines et autres mammifères marins sont, elles aussi, très réglementées (Art. A 121-35 à 121-43 du code de l’environnement). Hélas, bien des gens ne respectent en rien ces règles pourtant de simple bon sens, à commencer par un certain nombre de ceux qui louent leurs services et leurs bateaux pour emmener curieux et touristes contempler les baleines.
Combien de temps encore pourront nous les contempler ainsi ?...
Est-ce seulement par manque de moyens que les forces de l’ordre ne sont jamais présentes pour faire respecter ces règles pourtant souvent de simple bons sens ? Cette absence de moyens ne cache-t-elle pas une cruelle absence de volonté et de courage politique ?
La question est bel et bien posée, et l’avenir des baleines à bosse en dépend.

Mes plus chaleureux remerciements à Michel Fayadat (Easy boat) pour sa gentillesse, sa compétence et son respectueux amour des baleines à bosse. http://fr-fr.facebook.com/pages/Papeete-French-Polynesia/Easy-Boat-Tahiti/190594665826?ref=ts

mercredi 21 septembre 2011

Un dimanche à Tahiti


Douceurs dominicales du paradis polynésien

En Polynésie, le dimanche, temples et églises sont pleins d'une foule bigarrée dont la journée est consacrée au culte et aux plaisirs simples de la famille.
Les premières lueurs du jour diluent lentement les stigmates de la nuit. Robes provocantes, strass, paillettes et maquillages outranciers laissent progressivement la place aux robes missionnaires, paréos colorés, costumes sombres et chapeaux de toutes sortes. Nous sommes dimanche, il est quatre heures du matin, le marché de Papeete vient d’ouvrir ses portes.

Les premières lueurs de l'aube et déjà la foule au marché de Papeete

A Papeete, le dimanche commence au marché

Les couleurs flamboyantes des étals des maraîchers se disputent les regards avec ceux des poissonniers. Caramboles et corossols font de l’œil aux carangues et autres mahi-mahi alors qu’un peu plus loin, les étals des bouchers se disputent les chalands avec ceux des traiteurs chinois ou polynésiens.
A l’autre bout du bâtiment, c’est le délirant mélange des odeurs et des couleurs des nombreuses fleuristes qui nous fait tourner la tête. Ivresse presque aussi entêtante que celle que nous offre un quatuor déchaîné de ukulele très kaina. Pénétrer dans cette partie du marché, c’est un peu comme remonter dans le temps. Vêtues de pareo savamment noués, la tête couronnée de fleurs de tiare ou d’hibiscus, d’opulentes mama aux sourires éclatants dansent et chantent aux milieux de ce feu d’artifice de fleurs insensées.
Juste à côté de ce jardin des délices, ce sont les artisans de toutes sortes qui nous présentent leur travail : bijoux de coquillages parsemés d’inévitables autant qu’improbables perles noires des Tuamotu côtoient les sculptures marquisiennes, les merveilleux chapeaux et autres paniers en vannerie des Australes, pareo multicolores peints à la main… On ne sait plus où poser les yeux dans cet incroyable fouillis…

Les fabuleux étals de fruits des marchés polynésiens

Les bras chargés de victuailles, de fleurs et de cadeaux, la foule endimanchée se presse : aujourd’hui, le marché fermera ses portes à huit heures afin que chacun, chaland comme marchand, ait le temps de se préparer pour aller à la messe que nul ne saurait manquer. La fête viendra après…

La ferveur de la foi…

En Polynésie française, la religion (quelle qu’elle soit) joue un rôle fondamental. Le culte du dimanche est un événement qui impose une tenue de fête. Nul doute que le temple Paofai, sur le front de mer, est l’endroit idéal pour assister à un office chanté de toute beauté.

Propre comme un sou neuf, le temple Paofai attend les fidèles

Discrètement installé à la tribune, on surplombe une nef bondée. A gauche, les costumes gris ou noirs des hommes, têtes nues. A droite, les robes blanches ou fleuries des femmes, têtes ornées de chapeaux somptueux… Pasteurs et diacres officient essentiellement en tahitien, mais qu’à cela ne tienne : la ferveur est palpable et les nombreux chants sublimes. Et même si l’on peut regretter la présence d’un piano électrique et d’une boîte à rythmes amplifiés, les voix comme les mélodies, polynésiennes jusqu’à la moindre note, font vibrer l’air autant que les cœurs.

Et les incroyables chapeaux des mama chantantes !

…et la douceur de vivre !

Après la cérémonie, et une fois sacrifié au long rituel des mondanités, chaque famille se dirige maintenant vers le lieu des agapes dominicales. L’essentiel a été préparé la veille ou acheté tout prêt au marché ce matin. Le tamara du dimanche occupera le reste de la journée, que ce soit en famille ou avec des amis, à la maison ou au bord du lagon, voire sur un motu familial… Manger, rire, chanter, danser… C’est peut-être bien dans ces dimanches enchantés que le peuple Polynésien montre le mieux son vrai visage. A aucun moment, l’énorme travail que nécessite le bien-être d’une telle assemblée ne se voit : seuls la joie de vivre et le bonheur d’être ensemble ont droit de cité.
Je me dois de vous faire un aveu ; c’est en vivant pour la première fois une telle journée que j’ai réalisé avoir trouvé le paradis polynésien. Il ne réside ni dans les plages ni les lagons : ce sont les gens qui rendent ce pays merveilleux.

Lexique :
mahi-mahi : dorade coryphène
kaina : local et populaire
mama : terme affectueux pour désigner les mères de familles
tamara : grand repas de fête
motu : ilet faisant partie de la barrière de corail
 

Un sujet qui dérange : Heifara, Tahitien, mineur et prostitué

Tahiti, ses îles et Julien Gué: Un sujet qui dérange :

Les larmes nocturnes de la Polynésie


Il y a beau temps que « la nouvelle Cythère », chère à Bougainville, a perdu l'essentiel de ses aspects paradisiaques. Les Polynésiens souffrent en souriant...
Pour nous en convaincre, offrons-nous simplement une errance nocturne dans les rues de la capitale de Tahiti : Papeete.

L'argent du nucléaire français n'a pas profité à tout le monde en Polynésie...

Le paradis n'est pas ouvert à tout le monde

Ça et là, mais tout particulièrement aux alentours immédiats du marché central, des gens s’installent pour la nuit. Bien sûr, il y a parmi eux de pauvres hères complètement désocialisés. Mais on découvre avec stupeur des familles entières de quatre, cinq, six personnes parfois dont des enfants en bas âge, installées sous le porche d’un immeuble, abritées des intempéries et des regards par de vagues cartons. Ceux-là n’ont jamais bénéficié de la moindre façon des milliards déversés par la France dans le cadre de « la rente nucléaire ». Pour eux, il est à espérer que le ciel se montre clément car il leur serait impossible de se mettre à l’abri en cas d’averse tropicale. En effet, le système d’écoulement et de récupération des eaux de pluie est inexistant ou, dans le meilleur des cas, inefficace. 

Les mineurs hantent la nuit
L’autre danger et pas le moindre, pour ces familles sans abri, réside dans les nombreux groupes de jeunes gens (souvent mineurs) qui prennent possession des rues dès après le coucher du soleil et jusqu’au petit matin. Issus des quartiers les plus défavorisés de l’île, ces adolescents en rupture scolaire n’ont d’autre moyen, pour financer leurs achats de bière et de pakalolo (nom local du haschich) que le vol et l'agression.

Ne vous méprenez pas : ces jeunes filles sont des garçons...

Forces de l'ordre et prostitution

Dans les mêmes rues du centre ville, à deux pas de la mairie et du poste de police central, les belles de nuits arpentent les mêmes rues dans l’indifférence générale. Là encore, la misère d’une grande partie de la population n’est pas étrangère à cette présence prégnante de la prostitution. Le contraste est saisissant entre ces jeunes personnes arpentant des trottoirs défoncés et les luxueux 4x4 flambant neufs aux vitres fortement teintées qui s’arrêtent auprès d’elles. Après tout, me direz-vous, nous sommes dans un port du bout du monde... Peut-être. Mais nous sommes aussi en France. Et le pire est à venir.
En effet, à y regarder de plus près, la grande jeunesse de la plupart de ces prostituées est frappante. Et la première surprise sera d’apprendre que nombre d’entre elles sont mineures. Pour la plupart, les premiers pas dans l’exercice du plus vieux métier du monde se font à douze ou treize ans ! La deuxième surprise, c’est que la majorité d’entre elles ne sont pas des filles, mais des raerae. Autrement dit, des garçons travestis. Et ce sont ces mêmes travestis mineurs et prostitués qui se retrouvent un peu plus tard dans certains des bars et boites de nuit de Papeete. Tous lieux dont la loi interdit l’accès aux mineurs, comme chacun sait… Tout le monde le voit. Tout le monde le sait. Tout le monde ferme les yeux.
Ces élections de du plus beau travesti font la une des médias en Polynésie française

Droits de l'enfant et droits de l'homme...

C’est à ce genre de choses inacceptables qu’ont conduit l’inconséquence et l’immoralité d’une classe politique corrompue à l’extrême. Cela se passe aujourd’hui, à Tahiti, sur le territoire de la République française, patrie des droits de l’homme...

dimanche 18 septembre 2011

Du poisson cru aux fruits exotiques,

Les spécialités polynésiennes


     La cuisine tahitienne traditionnelle, ou ma'a tahiti, incorpore de nombreux féculents comme le taro, l'igname, le ufi, le tarua, la patate douce... 
     Elle est faite de saveurs douces et subtiles dues tant à la qualité des produits qu'aux modes de préparations et de cuissons utilisés. Si chacun des cinq archipels polynésiens propose des spécialités qui lui sont propres, les produits qui la composent sont quasiment les mêmes: beaucoup de poissons, un peu de viandes, toute la gamme des légumes et des fruits tropicaux.

Viandes et poissons consommés à Tahiti

     La base de l’alimentation polynésienne vient de la mer. Poissons et crustacés sont donc à l’honneur dans la plupart des recettes locales. Les poissons sont classés en deux grandes catégories: poissons du large et poissons-lagon. Un des délices de la cuisine locale est constitué par une espèce de crevettes d’eau douce appelées "chevrettes".
Les merveilleux poissons des lagons polynésiens
     Avant que la chaîne du froid ne permette l’importation massive de viandes de bœuf ou de mouton, les seules viandes consommées en Polynésie étaient celles de poulet et de cochon sauvage.
     Jusqu’à il y a peu, le met le plus apprécié était la chair de tortue. Sa consommation est aujourd’hui strictement interdite et très sévèrement réprimée.

Les légumes polynésiens

     Si aujourd’hui le riz est devenu le composant principal des repas quotidiens, la généreuse nature fournit nombre de produits d’accompagnement qui font tout le charme de la cuisine polynésienne. Le principal d’entre eux, le uru (fruit de l’arbre à pain), fut longtemps l’aliment de base des Polynésiens. Il en existe une quarantaine de variétés différentes.
     Il est de nos jours fortement concurrencé par le taro, car ce tubercule est facile à cultiver dans les terrains marécageux des zones côtières. Sa racine est utilisée en tant que telle, mais on en consomme également les jeunes feuilles appelées pota. Aux Marquises, on en fait une pâte fermentée et assaisonnée nommée popoi.

Le taro, la racine miraculeuse
      Le taro est également utilisé pour la préparation du poe, un dessert très apprécié. Enfin, une des nombreuses variétés de taro est cultivée pour ses feuilles qui sont consommées comme nos épinards: le fafa.
    D’autre part, fe'i, ignames et patates douces viennent compléter la palette des accompagnements. Le fe’i étant une variété de bananes qui ne se consomment que cuite.

Les fruits des îles

     La noix de coco est omniprésente dans la gastronomie polynésienne, par sa chair et par son lait.
     Il faut toutefois distinguer les fruits locaux de ceux importés plus récemment. Parmi les premiers, outre le coco et l'uru déjà cités, on trouve la pomme cythère ("vi Tahiti") et le mape. Nombres de fruits importés se sont merveilleusement adaptés sous ces climats. Ainsi en va-t-il de la banane, des agrumes, de l’ananas, de la papaye et de la mangue.


Des fruits de toutes sortes, des plus communs aux plus étranges
La cuisine traditionnelle tahitienne
     Aux temps anciens, les seuls modes de cuisson étaient la grillade, la cuisson à l’étouffée et la cuisson à l’eau. D’où une gastronomie aux saveurs douces et fines qui met en valeur le goût particulier de chacun des produits entrant dans la composition d’un plat.
     Le plus connu des plats traditionnels polynésien est le poisson cru. En réalité, ce terme est impropre puisque le poisson est en fait mariné quelques heures dans une préparation de citron vert, de lait de coco, de diverses épices et accompagné de légumes coupés très finement. Comme pour la plupart des plats nationaux, il en existe autant de recettes que de familles ou presque.
     Aujourd’hui réalisé uniquement pour les repas de fêtes en raison du temps nécessaire à sa préparation, le ahima'a (four tahitien) reste le sommet de la gastronomie polynésienne. Il s’agit d’un repas complet réalisé en une seule fois. Le ahima'a remonte à la nuit des temps ma’ohi. "Ahi" signifie le feu et ma'a, la nourriture. Tous les aliments sont cuits à l'étouffée dans une grande fosse creusée dans la terre. On y dispose du bois de chauffage et des pierres volcaniques poreuses avant d’y mettre le feu. Lorsque les braises sont bien rouges, les aliments y sont délicatement déposés, enveloppés dans des feuilles de bananier ou à l’intérieur de paniers sommairement tressés en feuilles de cocotier.
     Parmi les mets les plus appréciés qui le composent : poulet fafa, poissons, cochon de lait, chevrettes et langoustes, différents po'e (banane, papaye...) et toute la gamme des légumes locaux.
     On recouvre le tout de feuilles de bananiers ou de purao. Une ultime couche de terre permet d’assurer l’étanchéité du four. Quatre à six heures sont nécessaires pour une cuisson idéale. 
     L’ouverture du four donne lieu à une grande liesse, rythmée par des chants. Les différents plats sont disposés dans des umete, sur de grandes tables, au côté du poisson cru et du fafaru.
     Le fafaru est une préparation de poissons crus fermentés dans de l’eau de mer. Autrefois, les Polynésiens le mangeaient et utilisaient son eau comme assaisonnement d’autres plats. Mais si la population de ces îles en raffole, bien peu de visiteurs arrivent à l’apprécier. En effet, son odeur influence beaucoup l’opinion.

Des fruits et des légumes, il y en a pour tous les goûts...
     Malgré cela, venir en Polynésie et ne pas goûter le fafaru serait comme aller en France et ne pas manger de fromage!



vendredi 16 septembre 2011

Te mape,

Le châtaigner polynésien

De tous les arbres qui peuplent les forêts polynésiennes, le mape est l'un des plus marquants. En se promenant dans les zones humides des îles hautes, endroits de prédilection de cet arbre, qui n’a pas admiré ses dimensions majestueuses et les circonvolutions aussi étranges que belles de son tronc. Mais au delà de son indéniable beauté, ce châtaigner tahitien fut, et est toujours, une richesse naturelle majeure des îles polynésiennes. Découverte.

La forêt de mape du jardin botanique de Tahiti

Te Mape, L’étrange seigneur de nos forêts

Si l’on recense en Polynésie française une dizaine de variétés différentes de châtaigniers tahitiens, deux d’entre elles dominent : le mape et le mape piropiro. L’Inocarpus fagifer – de son nom scientifique - ou mape en Tahitien, est originaire d’Asie du Sud-est. Il est sans doute arrivé dans les îles polynésiennes avec les premières migrations de peuplement aux débuts de l’ère chrétienne. Les Polynésiens, navigateurs hors pairs mais également excellents horticulteurs, avaient en effet l’habitude de transporter avec eux de nombreuses plantes qu’ils mettaient en terre arrivés à destination. Quant à l’Hymenaea courbaril, ou mape piropiro, il est originaire, lui, d’Amazonie. Il fut introduit beaucoup plus tardivement en Polynésie.

S’épanouissant particulièrement à proximité des cours d’eau et dans les fonds de vallées où il pousse en groupe, le
mape présente des caractéristiques remarquables. Il est l'un des rares arbres de la forêt tropicale à posséder un tronc lisse et propre dont l’écorce soit exempte de toute moisissure. Au cours des sept à huit premières années de sa croissance, il s’élève droit et lisse, sans aucune protubérance sur son tronc produisant un bois blanc d’une texture grossière.

Fin et droit, le mape vit les pieds dans l'eau

Ses branches, bien droites, sont essentiellement utilisées pour fabriquer des clôtures et des manches d’outils (haches, pioches, etc). Pour le reste, son bois est particulièrement adapté à la fabrication du charbon de bois qui était sa destination principale.

Lorsque l’on pratique une incision sur le tronc du jeune mape, il en coule une sève d’abord incolore qui, en séchant à l’air, devient d’un très beau rouge rubis évoquant la couleur du sang. Dans les arbres plus vieux, ce suc est coloré et, quand on les blesse on croirait voir du sang jaillir d'un corps humain. C’est pour cette raison que l’on désigne ce liquide par le nom de «Toto Mape» (sang de mape).

À la base de l'arbre on trouve une résine orange et collante qui se transforme en ambre à travers un processus chimique qui dure des millions d'années.

A l’âge de huit ou neuf ans, le mape subit une transformation majeure : tout autour de son tronc jusque là droit et lisse,jaillissent des projections irrégulières depuis les branches jusqu’aux racines, se rejoignant par endroit et dessinant des creux dans d’autres. Ces projections prennent à leur tour des formes nouvelles qui, d’années en années, se divisent et se rejoignent, ménageant des espaces aux arcades étranges dans le bois. Petit à petit, des arcs-boutants pouvant s’éloigner de plusieurs mètres du tronc,s'enlacent autour de lui, parfois jusqu’à plus de deux mètres de hauteur. Lorsque l’arbre est à proximité de l’eau, ces protubérances peuvent se prolonger jusqu’au fond du lit de la rivière et, sur terre, forment des abris naturels utilisés par les chèvres et les porcs sauvages.

Les vieux mape sont recouverts de bosses et de protubérances sur lesquelles viennent s’implanter les fougères nid-d’oiseau (Asplenium nidus), les gracieuses épiphytes qui pendent comme des rubans, ou encore les araifaa ou mave, autre variété d’épiphytes qui pendent en longues grappes à petites baies rouges.

En juin et juillet, les extrémités des branches se recouvrent de feuilles ambrées qui deviennent d’un blanc crémeux avant de passer progressivement au vert foncé. Dès lors les arbres se couvrent, en août et septembre, de grappes floconneuses de petites fleurs blanches au parfum très agréable, pénétrant et sucré, qui embaume les sous-bois.

Après la fleur, naturellement vient le fruit. Lorsqu’il est mûr, on l’appelle mape pa’ari. Il peut être jaune, marron ou encore vert clair. C’est un fruit agréable et très nourrissant qui se consomme soit cuit dans la braise, soit rôti à l’étouffée. Son goût fait immanquablement penser aux marrons chauds et les Polynésiens, qui en raffolent, le consomment comme une friandise. Aujourd’hui encore, il est vendu bien chaud au bord des routes. Il est à noter que si le fruit du mape piropiro est lui aussi comestible et goûteux, il est doté d’une odeur si écœurante qu’il en a hérité son nom piropiro, ce qui signifie « puant » en tahitien. Lorsque le fruit mûr tombe de l’arbre, il est alors appelé mami et il est alors plus ferme que lorsqu’on le cueille sur l’arbre pour le consommer. Au sol, l’enveloppe se dessèche et le fruit commence à germer, il porte dès lors le nom de ro’a. À ces deux stades de son évolution, convenablement cuit, le mape est encore bon à manger s’il a été convenablement rôti.

Le mape et ses utilisations traditionnelles

Les grandes surfaces planes reliant les arcs-boutants au tronc principal jouèrent un rôle majeur dans l’histoire des peuples polynésiens. En les frappant avec une branche en bois dur ou un caillou, on obtient un son de percussion modulable qui porte très loin dans la forêt et jusqu’à la mer et permettait de communiquer de vallée en vallée pour transmettre des informations urgentes. Par exemple avertir d’une agression par une tribu voisine. Sans doute s’agit-il là de l’ancêtre des percussions polynésiennes.

La plus connue des utilisations médicinales du mape est un ra’au Tahiti (médicament traditionnel) destiné à guérir la piqûre du poisson nohu (Le poisson pierre dont la piqûre est redoutable et extrêmement douloureuse) et à combattre l’inflammation qui en résulte. Dans ce cas, le suc du fruit vert de mape est mélangé avec le suc de l’écorce d’atae (erythrina indica) en les mâchant. La pâte obtenue est appliquée comme un cataplasme sur la piqûre et l’inflammation disparaît alors promptement.

Dans la société traditionnelle, le mape était utilisé comme colorant naturel. Il permettait d’obtenir les teintes suivantes : noir, bleu, vert sombre et vert clair, violet foncé, pourpre violacé, pourpre carmin, rouge brun. Ces colorants étaient utilisés dans la décoration des tapa, des vêtements et de certains objets rituels.

Les fabuleux méandres des racines de mape

Le mape et la légende

Dans la culture traditionnelle polynésienne, le mape était présenté de la façon suivante : tous les mape sont issus des êtres humains. Les fruits viennent des reins de l’homme, organes qui s’appellent d’ailleurs mape ou rata. La sève à l’étonnante couleur rouge en est le sang. Le nez et les narines, quant à eux, se retrouvent dans les étranges contorsions du tronc.

En 1840, les grands prêtres Tamera et Mo’a transmettaient ainsi leur vision du
mape : « Il est l’Arbre. Le pluvier siffleur et l’oiseau de paradis nicheront dans ses branches et se nourriront de ses fleurs au bord de la rivière. »

Voici ce que l’on raconte sur les terres de Paea (côte Ouest de Tahiti) : Aiti tane, du district de Mata’oae, était clairvoyant. Un jour qu’il contemplait un certain mape au fond d’une vallée, il s’écria : « Aue tera vahine i te’aroha e ! » (Comme cette femme est pitoyable !). Ne voyant personne à proximité de l’arbre, ses amis lui demandèrent ce qu’il entendait par là et il répondit : « Dans le creux de cet arbre je vois une femme qui pleure, tenant des jumeaux dans les bras ! » Peu de temps après, rentrant au village, ils apprirent qu’une femme du district venait de mourir juste après avoir donné le jour à des jumeaux mort-nés. Ils en conclurent que ce que Aiti avait vu, c’était cette femme se lamentant sur la fin prématurée de ses enfants.