Heurs et malheurs de l'arrivée du nucléaire
dans le Pacifique Sud
La
Polynésie française n'est pas un paradis pour tout le monde. La
décision de Paris d'y faire ses essais nucléaires jusqu'en 1996 a eu des
conséquences douloureuses.
Souvenez-vous de Moruroa et Fangataufa... |
A
la fin des années 1950, la France est entrée de plein pied dans l’ère
de la décolonisation. Le torchon brûle entre Paris et l’Algérie.
Visionnaire, Charles de Gaulle a bien compris que le processus était
irréversible et il va même l’accompagner. Seulement voilà : où aller
pour tester la bombe H ? Le Sahara, c’est terminé. L’Afrique noire est
un brûlot et il n’y a plus de colonie en Asie… la solution idéale, c’est
la Polynésie française.
Comment la Polynésie est-elle devenue
un terrain de jeux militaire ?
A cette époque, l’ensemble des 118 îles polynésiennes abritaient à peine un peu plus de 80 000 habitants. Population insignifiante et ignorée en plein cœur du plus grand des océans, les Polynésiens vivaient encore comme au début du vingtième siècle. L’endroit idéal pour y installer l'arme chère au Général.
Y construire un aéroport, inexistant à l’époque, n’était qu’une question d’argent sans réelle importance au cœur des « trente glorieuses ». Même chose pour les installations portuaires, militaires et techniques indispensables. Restait à choisir l’endroit idéal : le sort tomba sur Moruroa et Fangataufa, dans les Tuamotu de l’Est.
Pour
passer à l’action il ne restait plus qu’à déporter, purement et
simplement, les quelques dizaines d’habitants de ces deux atolls. Ce qui
fut fait sans autre forme de procès et sans état d’âme aucun.
La présidence de la Polynésie façon Gaston Flosse... |
Naissance d’une république bananière
Afin
de faire taire toute velléité de contestation de la part des
Polynésiens, le gouvernement français fit deux choses très simples. La
première : choisir quelques « tavana » (chefs respectés), leur donner un
peu de pouvoir et beaucoup d’argent, à charge pour eux de faire taire
les grincheux et de maintenir le calme. La deuxième : injecter des
sommes colossales pour faire de Tahiti un endroit « développé » sur le
modèle occidental. Ce qui fut fait sans discontinuer jusqu’au 27 janvier
1996, date du dernier essai nucléaire français sur l’atoll de Moruroa.
A
l’époque, c’est Jacques Chirac qui est président de la République. En
Polynésie, l’homme fort s’appelle Gaston Flosse. Aux affaires depuis
déjà de longues années, il présente la particularité d’être un intime du
président français qui le couvre et le soutient dans toutes ses
actions, quelles qu’elles soient.
Cette
relation très particulière qui unit les deux hommes, ajoutée au silence
que la France souhaite imposer sur tout ce qui se passe en Polynésie
française et à l’ambition mégalomane de Gaston Flosse, vont amener le
pays dans la situation qu’il connait aujourd’hui. Une élite ultra
minoritaire qui a construit des fortunes colossales en détournant de son
objet la « rente du nucléaire » avec la bénédiction de Paris ; une
caste privilégiée et surprotégée de fonctionnaires et assimilés aux
salaires indexés ; et enfin, les autres.
Les
autres, ce sont ceux qui sont sans emploi, dont le chiffre réel est
impossible à établir puisque il n'y a pas d’indemnité de chômage en
Polynésie. Les autres, ce sont les 50 % de la population qui dépendent
du RST (Régime de solidarité territorial). Ce RST a été créé afin que
ceux qui ne peuvent payer de cotisation sociale puissent bénéficier
d’une couverture maladie. Pour bénéficier de ce régime, il faut
justifier d’un revenu inférieur à celui retenu comme étant le seuil de
pauvreté. Autrement dit, la moitié de la population vit en-dessous du
seuil de pauvreté. Il est bon, ici, de se rappeler que la Polynésie est
un territoire français.
Corruption et manipulation
Gaston
Flosse, impliqué dans une multitude d’affaires politico-judiciaires, a
perdu le pouvoir en 2004. Depuis, la Polynésie subit les manipulations
permanentes d’une classe politique toute aussi corrompue que son ancien
leader. Neuf renversements de majorité en six ans ! Toutes dues à des
retournements de veste d’élus désireux d’obtenir un ministère ou un
autre avantage du même ordre et sans jamais passer par les urnes.
Dans
l’actuel gouvernement, installé depuis moins de trois mois, le
président, le vice-président et plus de la moitié des ministres sont mis
en examen dans des affaires politico-financières. La plupart impliquent
Gaston Flosse (déjà condamné dans certaines) qui est pourtant toujours
représentant à l’Assemblée de Polynésie et sénateur de la République. Le
deuxième sénateur polynésien, avocat de son état, vient d’être
sanctionné par son ordre et interdit d’exercer pour quelques temps.
... et l'habitat de bien des Polynésiens |
Misère et désespoir
Pendant
que la classe politique locale joue, à coups de milliards de l'État, à
se chiper le pouvoir tous les six mois, les bidonvilles se multiplient,
la misère gagne du terrain et le désespoir tend à devenir le sentiment
le plus répandu en Polynésie. Toute l’économie s’effondre, aucun emploi
n’est créé et les prix flambent dans tous les secteurs.
La
relève politique existe en dehors du sérail corrompu. Aura-telle les
moyens financiers de se faire entendre lors des prochaines échéances
électorales ? Rien n’est hélas moins sûr.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire